Question théorique à propos de l'inertie

Bonjour, j’ai une question sur laquelle j’ai reçu des avis divergents de la part de professionnels : mon logement (intégralement sous rampants) sera-t-il à forte inertie ou à faible inertie ?

Voici les éléments de complexe de l’intérieur vers l’extérieur :

  • sol: carrelage / chape de plancher chauffant 6cm / isolant R 2,6 / dalle béton / isolant R 5
  • murs en dératellement de 1m de haut : isolant chaux/chanvre R entre 2 (O, S, E) et 2,6(N) / 40cm granit hourdé à la terre
  • plafond : placo / 40cm laine de bois R=10 / volige / ardoise (je vous épargne les lames d’air, PV, PP…)

J’ai le sentiment que le carrelage et la chape de plancher chauffant vont apporter une bonne inertie, mais pour le reste je ne sais pas :

j’ai un isolant de bonne capacité thermique en toiture, est ce que ça en fait une paroi de forte inertie ?

Concernant les murs, ai-je tort de penser que le fait d’isoler par l’intérieur revient à se priver de toute l’inertie de la pierre ?

Je n’ai pas trouvé chez Oliva/Courgey de façon simple de qualifier l’inertie d’un bâtiment, existe-t-il des méthodes accessibles ? Merci

Bonjour @JulienGeffray,

L’inertie thermique est une notion complexe, qui caractérise la capacité d’une paroi à s’opposer à tout
changement. On distingue en fait deux types d’inertie, toutes deux liées à la capacité thermique volumique et à la conductivité thermique : l’inertie par transmission et l’inertie par absorption.

La capacité thermique volumique
La capacité thermique volumique ρCp (J·m-3.K-1) est la capacité d’un volume de matériau à stocker de la chaleur. Plus la capacité thermique volumique est grande, plus le matériau peut stocker de la chaleur.

L’inertie par transmission
L’inertie par transmission caractérise la capacité de la paroi à s’opposer à la transmission des variations de l’ambiance extérieure. Elle ralentit la vitesse de transmission et diminue l’amplitude d’une onde de chaleur extérieure. Ainsi, en été, un pic de chaleur à l’extérieur sera transmis à l’intérieur avec un décalage dans le temps et une température maximale moindre. Cette inertie concerne donc les parois séparant l’ambiance intérieure de l’ambiance extérieure, c’est-à-dire les parois extérieures.

L’inertie par transmission est caractérisée par la diffusivité thermique D (m²·s-1). Cette grandeur donne la vitesse à laquelle une paroi transmet la chaleur de part et d’autre de lui-même. L’inertie par transmission d’une paroi est d’autant plus forte que sa diffusivité est faible.
D= λ/ρ⋅Cp

Une diffusivité faible est obtenue avec une paroi dont la conductivité thermique λ est faible et dont la capacité thermique volumique ρCp est élevée.
Il est également possible de calculer un déphasage φ (h) à partir de l’épaisseur e (m) et de la diffusivité D (m²·s-1), selon la formule suivante, qui correspond au temps mis par une onde de chaleur à traverser la paroi :
φ=0,023⋅e / √ D

L’inertie par absorption
L’inertie par absorption caractérise la capacité de la paroi à s’opposer aux variations de l’ambiance intérieure.
Elle amortit l’amplitude des variations de la température intérieure. Cette inertie concerne donc les parois intérieures, mais aussi l’intérieur des parois extérieurs. Si la température intérieure est élevée par rapport à la température des parois intérieures ou de l’intérieur des parois extérieures, celles-ci absorbent de la chaleur jusqu’à atteindre une température d’équilibre avec l’ambiance intérieure. Si la température intérieure est faible par rapport à la température des parois intérieures ou de l’intérieur des parois extérieures, celles-ci libèrent de la chaleur jusqu’à atteindre une température d’équilibre avec l’ambiance intérieure.
L’inertie par absorption est caractérisée par l’effusivité thermique E (J.m-².K-1.s-1/2). Cette grandeur donne la capacité d’une paroi à stocker ou déstocker rapidement une grande quantité d’énergie. L’inertie par absorption d’une paroi est d’autant plus forte que son effusivité est forte.
E= λ⋅ρ⋅√ Cp
Une effusivité forte est obtenue avec une paroi dont la conductivité thermique λ et la capacité thermique volumique ρCp sont élevées.

Qu’est-ce qu’une paroi avec une forte inertie ?
Pour le confort d’été, le matériau idéal dispose d’une faible diffusivité, pour atténuer la vitesse et l’amplitude de l’onde de chaleur extérieure et d’une forte effusivité, pour absorber la chaleur de l’ambiance intérieure. Un tel matériau n’existe pas, puisque la conductivité thermique λ devrait être à la fois faible et forte. Par contre, dans une même paroi, on peut avoir différents matériaux, dont les propriétés thermiques sont différentes. Il convient alors de privilégier :
• les matériaux à faible diffusivité pour l’extérieur de la paroi extérieure ;
• les matériaux à forte effusivité pour l’intérieur de la paroi extérieure.
Par exemple, un mur en pierre (conductivité thermique λ et capacité thermique volumique ρCp élevées donc effusivité élevée) isolé par l’extérieur (conductivité thermique λ faible donc diffusivité faible) est une paroi présentant une forte inertie, qui permet donc de garantir un bon confort d’été.

Sources :

http://passivact.com/Infos/InfosConcepts/files/InertiesThermiques-Comprendre.html

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Merci ! Ca éclaircit pas mal ma lanterne. Je vais faire mes petits calculs mais en tout état de cause, je comprends que mon complexe de toit me donne une forte inertie par transmission, mon complexe de sol une forte inertie par absorption, et mon complexe de mur est moyen pour les deux.
J’espère que ça servira à d’autres membres du forum. J’en profite pour souhaiter à tout le monde un joyeux Noel et de beaux projets pour 2023!

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Bonjour
excellente démonstration :+1:
Je constate qu’on insiste souvent sur l’isolation sans tenir compte de l’inertie à proprement parler du bâti, mais qu’on néglige beaucoup la perspirance et l’étanchéité à l’air des parois.
Étanchéité à l’air ne veut pas dire thermos avec un schnorkel pour respirer, mais bien savoir par où l’air entre et sort et surtout quant on veut le remplacer.
Perspirance, c’est la capacité d’une paroi à laisser « transpirer » les vapeurs.
Que l’an neuf permette à tout le monde de vivre dans un confort digne de ce siècle :pray:
Cordialement
Rudy

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Bonjour
Un logement sous rampant avec R=10 sous toiture offre une très bonne isolation au froid et aux ponctuels pics de chaleur journaliers (les 4h très chaudes estivales).
Les murs en granit et la dalle en béton assurent une masse thermique qui donnent au logement une inertie thermique, avec un déphasage d’environ 12h. Que l’isolant soit intérieur ou extérieur ne change pas le déphasage, mais le ressenti sera plus faible, car le carrelage et le placo seront toujours à la température de la pièce. La sensation de fraicheur ne sera pas perceptible l’été, à moins de travailler sur un flux d’air maitrisé. Je vous conseille donc plutôt de travailler à gérer correctement les entrées d’air dans le logement (double-flux, étanchéité du PV du sol à la faitière…) que de chercher à qualifier l’inertie du bâtiment. Le mobilier et la production de vapeur étant 2 paramètres très importants pour le calcul de l’inertie… Enfin, la réalisation d’une cloison en brique de terre comprimée ou la présence d’un poêle de masse à inertie (roche volcanique ou terre comprimé) peuvent doubler l’inertie du logement sans en modifier son architecture.

Réponses très intéressantes sur ce sujet complexe. Si l’on reste « bassement » pratique il faut chercher un compromis (entre trop et pas assez d’inertie) qui soit satisfaisant là où l’on vit: Chacun sait qu’entre la Provence et et La Pointe du Raz, il y a de grandes différences climatiques et donc que la demande de confort n’est pas la même…Là, j’enfonce des portes ouvertes…!
Trop d’inertie cela donne une maison longue à chauffer…mais après une bonne canicule, longue à rafraîchir à nouveau. Pas assez, c’est le contraire…D’où le choix, par exemple, d’isoler par l’intérieur ou par l’extérieur …

bonjour Julien
juste une remarque, au lieu de regarder un isolant chauffer et se demander dans combien de temps la chaleur l’aura traversé, il est à mon sans plus intéressant de l’empêcher de chauffer par un film réfléchissant agissant comme un miroir thermique. entre deux lames d’air. c’est particulièrement facile et pas cher en sous toiture (attention ne pas prendre des film plastiques saupoudrés d’aluminium, mais de la feuille d’alu 10 ou 12 microns).
En revanche la question de l’inertie est à posée en intérieur pour éviter des yoyo de chaleur suivant l’ensoleillement ou la flambée dans un poele. Si le chauffage est prévu en continu ou s’il y a peu d’apport solaire, l’inertie a moins d’importance

Bien sûr, un film aluminisé ( de qualité miroir) aura pour effet de renvoyer une partie des infra-rouges…mais pas tout: une lame d’air et un isolant classique derrière ne seront pas superflus.

Remarque tout à fait pertinente ! Dans notre cas on prévoit un chauffage au sol, donc l’inertie à moins d’importance…
Pour l’idée du miroir thermique entre deux lames d’air, j’ai lu des docs de mise en oeuvre. Je pense que j’étudierai cette solution pour mon prochain projet où j’aurai beaucoup moins de latitude pour l’épaisseur du complexe de toit