Salut Maxime,
Quand j’ai travaillé comme commercial sédentaire (chiffreur) chez un négociant professionnel de matériel de chauffage et de sanitaire, j’ai découvert comment fonctionnait tout ceci. Cette expérience m’a bien déniaisé !
Dans ton cas @Filozofer je peux te dire que le gars de PUM s’est dit un truc du genre « Pfff… encore un particulier qui va me prendre 1/2H pour répondre à des questions niaises (de son point de vue de pro) et finir par prendre de la daube sur internet »
Voici quelques explications du contexte, avant mes conseils pour acheter le moins cher possible.
Pourquoi un particulier paye-t-il plus qu’un pro ?
D’abord il faut comprendre ce qu’est le métier de négociant. En effet, ce qui détermine la marge qu’un négociant doit avoir pour vivre, c’est le produit « volume » x « service ».
Or, les circuits de distribution pour particuliers et pour professionnels sont très différents car ils n’ont ni le même marché, ni les mêmes contraintes.
Les particuliers demandent beaucoup de service, notamment du temps de conseils, ce qui coûte le plus cher. Et ils achètent de très faibles volumes.
Les pros demandent beaucoup moins de service, et achètent de plus gros volumes.
Voilà pourquoi un pro a de meilleurs prix qu’un particulier.
Ajoutons à ceci une analyse très personnelle : du point de vue du négociant, un particulier est un client ponctuel, un pro est un client récurrent. Donc en cas d’insatisfaction, les conséquences commerciales sont quasi nulles sur le marché du particulier, qui ne fait pas 10 maisons par an. Alors que l’insatisfaction d’un pro aboutit à la perte d’un client récurrent : gros coût. Conséquence : le positionnement « qualité » des matériaux et matériels distribués en circuit pro est en moyenne nettement supérieur à celui de ceux distribués en circuits « particuliers ».
C’est aussi pour ça qu’on a créé le groupement d’achat Twiza : permettre à des particuliers d’accéder à du matériel souvent réservé aux professionnels. Et inversement : organiser une rencontre efficace pour le fabricant, de façon à ce qu’il puisse vendre du matériel de qualité et du service sans y passer des jours et perdre sa rentabilité.
Et oui, il n’y a pas de magie : quand vous prenez 10 minutes à un vendeur Leroy Merlin pour qu’il vous explique la différence entre un chauffe eau stéatite et un chauffe eau ACI, ce qu’il fait pour la 47ème fois de la journée, alors que Google vous donnerait la réponse en 3’ sans solliciter un salarié, alors oui, il faut le payer pour ça. Autre service qu’offre une GSB : le stock, sans délai qui permet de pouvoir repartir directement avec le matériel. Autre service : pouvoir voir le produit, le toucher.
Bref : quand on s’approvisionne, on fait bien plus que simplement acheter un produit. On se renseigne, on compare, on monte en compétence, on touche etc… et plus on sollicite les service qui vont avec le produit, plus on doit les payer. Il n’y a pas de magie.
Le cas particulier d’internet
Le circuit de distribution d’internet permet, pour un particulier, d’obtenir des prix plus bas, souvent mais pas toujours, loin de là. Il ne permet pas de voir, ou d’obtenir sans délai son matériel, mais dans certains cas il est compétitif, même en incluant les services associés. Si l’on est prêt à attendre la livraison, et si l’on fait l’essentiel du travail de sélection sans solliciter le vendeur en ligne. (quoi que certains sont très disponibles au tél)
L’idée qu’internet offre des prix plus attractifs parce que ça coûte moins cher en infrastructure ne permet pas d’expliquer certains écarts. Le fait que vous fassiez votre choix et votre commande en autonomie explique une part bien plus importante de cette raison. Mais j’insiste : le prix internet est loin d’être toujours moins cher : vérifiez.
De l’importance cruciale du service qui va avec le produit
Quand on est autoconstructeur on doit découvrir de nombreux métiers. Croire qu’on va réussir à s’approprier ceux-ci rapidement et efficacement, sans faire d’erreur, alors que les pros mettent plusieurs années à s’en approprier un seul, ça relève au mieux d’une grande naïveté, au pire d’une condescendance regrettable. Une condescendance regrettable, et qu’on finira par regretter, à moins d’appliquer à ses réalisations un niveau de tolérance largement supérieur à celui qu’on appliquerait à des pros, ce qui est une spécialité des autoconstructeurs … 3 mm d’écart sur des tomettes posées par un pro ? Intolérable. Posé par moi ? Ho, ça donne du charme…
Trêve de plaisanteries, un non sachant a besoin de service, pas seulement de produit. Il a besoin de conseils en amont, pendant et parfois même après la mise en oeuvre. Il a besoin d’aide pour ne pas se retrouver seul face à un imprévu, ce qui arrive souvent dans un chantier.
Problème : au moment d’acheter, on voit seulement le produit, pas le service, et la pression sur le budget, particulièrement en ce moment, exacerbe ce biais. Et quand les soucis arrivent, on perd du temps et une part importante de l’argent économisé. Ou pire, quand on commence, on réalise qu’on a fait un mauvais choix : matériel inadapté, manquant etc. Je n’arrête pas de le dire : ce qui fait qu’on réussit un chantier à un bon prix, ce ne sont pas les prix d’achat, ce sont les décisions qu’on prend, la compétence qu’on mobilise pour bien préparer, puis bien exécuter. C’est pour ça qu’il est inutile de se dire « untel a fait sa maison avec cette technique pour ce prix, alors je vais le faire et obtenir le même résultat ». De la technique choisie au résultat, il y a un long chemin semé d’embûches qui coûtent cher.
S’approvisionner localement ?
Autant pour certains matériaux, le bon sens suffit à comprendre qu’ils valorisent des ressources locales : bois, terre, paille, réemploi etc…
Mais pour les matériaux et matériel industrialisés, dans l’écrasante majorité des cas, qu’ils soient distribués localement ou par internet, si ce sont les mêmes produits (même fournisseur, même référence) alors ils viennent des mêmes usines, parfois en France (dans ton cas on a des leaders du PVC sanitaires par exemple) souvent plus loin, parfois… beaucoup plus loin.
Le prix du service
Comme je l’expliquais un peu plus haut, j’invite chacun à prendre conscience du prix du service dans sa décision d’achat : aide en amont, assistance à la mise en oeuvre, disponibilité des stockes, possibilité de retours etc. Ces petites choses ne sont pas tant à voir comme des services qu’on achète, mais surtout comme des services qui nous aideront à sécuriser notre budget (financier, temps, charge mentale) et éviter ces erreurs qui finissent par coûter plus que l’économie qu’on croyait avoir réalisée. C’est d’autant plus important quand on est un non-sachant.
Comment acheter le moins cher possible ?
Si c’est le prix qu’on veut optimiser, alors il faut savoir exactement ce que l’on veut. Et savoir exactement ce que l’on veut nécessite un gros travail de préparation, et de la compétence.
Je reprends mon exemple du chauffe-eau [Attention je vais être un peu sarcastique… ^^]
Version naïve
Vous entrez chez un distributeur pro en lui demandant « Euh… c’est quoi les chauffe-eau que vous faîtes ? Comment ça fonctionne un chauffe eau ? Je me dis que je devrais peut-être changer le mien… » Alors dites-vous bien que votre interlocuteur voit bien vos lèvres bouger, mais ce qu’il entend c’est « gna gna j’y connais rien… gna gna gna je suis un consommateur tout m’est dû… gnagnagna je vais te poser des questions niaises pendant 20’ et au final pour 2€ de moins je vais m’approvisionner sur internet, ou juste ne rien faire finalement »
Votre interlocuteur, pressé et conscient qu’il perd son temps, adoptera une stratégie adaptée : souvent bâcler un devis prix public (prix qu’aucun de ses clients ne paye, car ils payent des prix dits « nets » avec des remises variables en fonction de leur niveau d’activité)
Version pro
Vous entrez chez un distributeur pro uniquement après avoir décidé et détaillé le matériel nécessaire, celui que vous allez acheter. C’est sur, le choix est fait, vous ne venez pas pour décider, vous venez pour acheter : « Bonjour, je ne suis pas encore en compte chez vous mais j’aimerais tout de même faire une demande de prix, j’ai le récapitulatif ici (papier libre à déposer) est-ce que vous souhaitez répondre ? »
Sur le papier il est écrit « Demande de prix » avec vos coordonnées, la « référence chantier » qui est le plus souvent le nom de famille du maître d’ouvrage et une description détaillée du matériel que vous allez acheter, idéalement sous forme d’un tableau avec plusieurs colonnes :
- Intitulé générique du matériel,
- caractéristiques,
- référence du fournisseur
- quantité
Dans l’exemple du chauffe eau ça donne :
- Chauffe-eau stéatite ACI 200 L
- Appareil vertical, pour pose murale, monophasé, stéatite ACI, 200L
- Kit de fixation
- Type « ZENEO ACI HYBRIDE » de chez Atlantic, ou équivalent.
- quantité : 1
Concrètement, votre interlocuteur constate que vous savez ce que vous voulez, que vous venez pour acheter, que vous savez comment fonctionne le négoce pro. Il en déduit qu’il peut faire ce chiffrage en qq minutes, et il se doute qu’il est mis en concurrence. S’il ne répond pas c’est parce qu’il sait qu’il n’est pas bien « placé » sur ce produit. S’il sait qu’il est bien placé, il va répondre, avec un bon prix car il veut faire l’affaire.
L’exemple du chauffe eau peut paraître un peu excessif (je ne pense pas qu’il le soit) mais imaginez s’il s’agit d’approvisionner un chantier de couverture par exemple, il est évident que ça vous ouvrira des portes. Dans mon cas, c’est ainsi que j’ai obtenu directement de meilleurs prix que mon père, qui était pourtant client ponctuel du négociant, et ceci pour mon premier achat (une réno faite il y a qq années)
Et ce qui apparaît clairement, c’est que « faire la liste des courses » ce qui permettra de faire une bonne « demande de prix » est un travail consistant et qui demande du temps et de la compétence. Au moment où vous préparer la demande de prix, vous vous rendez compte que vous ne savez pas ce que vous voulez et que si vous allez à la rencontre du négociant à ce moment, il n’est pas vrai de dire que vous lui demandez des prix : ce que vous lui demandez c’est de vous assister dans vos décisions et dans la conception.
Dans certains cas, quand le volume d’achat est important (qq milliers d’euros, ce qui est fréquent) alors je pense qu’on devrait envisager de payer un sachant pour nous aider à bien concevoir le chantier, et préparer la liste des approvisionnement. En plus de sécuriser la réalisation et le budget prévisionnel, ça aidera à obtenir des niveaux de prix qui amortirons l’investissement réalisé en accompagnement technique.
Mais aujourd’hui, qui est capable de payer un sachant juste pour obtenir une liste de courses ?
Et oui, les autoconstructeurs rechignent à payer du service, et beaucoup s’étonnent ensuite de la pénibilité du chantier, des aléas, des « coût cachés » : j’adore cette expression qui évoque qu’on a découvert, surpris quelque chose qui était caché, alors qu’en fait c’est juste qu’on l’a pas vu venir, faute de compétence ^^
J’espère que ce laïus aidera un peu, n’hésitez pas à commenter/répondre et apporter votre contribution.